Des solutions pour le futur?
Comme nous venons de le démontrer, aujourd'hui, presse écrite est dans une mauvaise passe. Comment faire pour sauver le support papier ? Quelles répercussions la chute des journaux pourrait-elle avoir sur la société ?
Plantu, Résister à la "presse d'industrie", 2008
- La presse peut-elle être gratuite ?
La presse écrite étant victime du triomphe de la culture du gratuit, une question commence à tarauder les dirigeants des quotidiens, en particulier aux États-Unis : faut-il encore se battre sur le terrain de la presse imprimée payante ? Le choix du New York Times en faveur de l’accès gratuit à son site d’information, les réflexions du Wall Street Journal ou du Financial Times, pour adopter une structure similaire sur Internet, ont relancé le débat parmi les experts à l’automne de 2007.
La presse quotidienne payante peut-elle prendre le même chemin et adopter elle aussi le modèle du « tout-publicité » ? Philip M.Stone, consultant dans les domaines de gestion financière des rédactions, croit à une telle évolution et plaide en sa faveur dans les années a venir, avec le calcul suivant : « Les revenus tirés de la vente des quotidiens rapportent en moyenne entre 15 et 20% des recettes. Chacun sait que ces revenus diminuent tandis que le recrutement de nouveaux abonnés coute toujours plus cher. Seule une augmentation massive de la diffusion pourrait éviter cette spirale. »
Il est néamoins interessant de nuancer en citant l’exemple étonnant du Manchester Evening News (MEN), qui combine depuis 2006 un savant dosage de diffusion payée et de diffusion gratuite. A l’issue d’une longue étude et de délicates négociations, le journal régional a défini les quartiers et les entreprises ou il serait distribué gratuitement. Objectif : toucher des jeunes et des cadres qui ne lisaient plus le journal. Un an après, la diffusion et les recettes publicitaires avaient bondi et le MEN s’était imposé comme le plus puissant quotidien régional du Royaume-Uni. « S’il coute moins cher de générer des revenus publicitaires que de conquérir des lecteurs payants –ce qui est le cas général-, alors il sera logique de s’intéresser d’abord à l’augmentation du chiffre d’affaire publicitaires » confirme un autre spécialiste des médias, le Français Jeff Mignon.
Comme nous l’avons déjà souligné, le gâteau de la publicité est convoité par une foule de nouveaux acteurs, ne laissant parfois que des miettes aux journaux et à leurs sites Internet. De plus, la production d’une information de qualité, c’est-à-dire qui prend le temps d’enquêter sur les faits qu’elle rapporte et qui fait travailler des journalistes hautement qualifiés, a de plus en plus de mal à se financer par la seule publicité, laquelle diminue au profit d’autres « supports ».
Si le gratuit ne peut donc pas devenir le modèle de tous les médias, le payant ne s’en heurte pas moins au fait que de moins en moins de gens, en particulier parmi les jeunes qui ont grandi dans la culture du gratuit, sont prêts à dépenser quelques euros pour s’informer. Radio, télévisons internet et journaux gratuits leur apportent un minimum d’information sans qu’ils aient à ouvrir leur porte-monnaie. Ensuite le gratuit pose un autre problème majeur qu’est l’indépendance des rédactions vis-à-vis de leurs agences publicitaires. Si un journal dépend à 100% de la manne publicitaire, il est fort probable qu’il évite de contrarier les entreprises qui viendraient acheter des espaces de publicité dans ses pages. Chacun a en mémoire l’évènement de juin 2010, lorsque le Monde au bort de la faillite cherchait d’urgence un repreneur. A l’époque cinq repreneurs s’étaient présentés. C’est alors que le président de la République Nicolas Sarkozy rencontra Éric Fottorino, pour interdire la reprise du journal par le trio Bergé-Pigasse-Niel et le mettre en garde en déclarant que si cette option était choisie, l'État renoncerait à verser 20 millions d'euros pour participer au sauvetage de l'imprimerie du journal. Sans sombrer dans la partialité politique, il est clair que l’on observe ici l’ingérence des politiques dans les affaires de la presse.
- Demain, grâce à internet, tous journalistes ?
C’est en effet la démocratisation supposée de l’information et le triomphe d’un relativisme journalistique qui ont donné une légitimité à l’explosion des blogs, et autres sites animés, en général, par des journalistes amateurs. Les blogs de professionnels sont d’une autre nature, prolongeant et complétant, sur un mode plus personnel, le travail que le journaliste mène dans on organe d’information ; ils sont aussi généralement moins interactifs que les blogs d’indépendants, dont la vocation est de dialoguer avec les lecteurs.
Le blogueur amateur se pose à la fois en critique du journalisme traditionnel et en producteur d'une information qui serait plus vraie -ce qui ne veut pas dire plus exacte- parce que provenant de gens dont ce n'est pas le métier. Dan Gillmor, un temps chroniqueur du San Jose Mercury News, spécialiste des nouvelles technologies et militant du "journalisme citoyen" appuie cette idée. Il explique que l'information devrait être une "conversation" entre citoyens égaux et non une "leçon" donnée par un spécialiste.
Néanmoins, l’apport des amateurs ne peut remplacer la spécificité du travail des journalistes professionnels lorsqu’ils respectent des règles déontologique, vérifient avant de publier et, finalement, font sérieusement ce qui est d’abord un métier. La multiplication des points de vue, leur foisonnement incontrôlé et souvent anonyme ne contribuent pas forcément à l’intelligence et la justesse des informations.
- Augmenter les subventions publiques?
Cela semble difficile, aujourd’hui. Les subventions publiques représente déjà 10% du chiffre d'affaire des quotidiens payants, lesquels sont quand même presque tous déficitaires.
- Demain existera t-il encore des journaux au format papier ?
Il restera toujours un public pour préférer la lecture sur papier au numérique, néanmoins les technologies s’améliorants chaque année, il est inéducable que le numérique deviennent le support de l’information écrite.
Avec l’augmentation du cout du papier, et le temps et l’argent nécessaire pour imprimer puis distribuer des journaux, le papier, comme support, est condamné à terme. Même si ce n’est pas pour demain, l’augmentation ces dernières années de son coût ne fait que souligner une tendance qui n’a aucune raison de s’atténuer. Le temps nécessaire à un journal pour être successivement écris, imprimé et distribué, ne font qu'aggraver les difficultés que peut rencontrer la presse papier pour concurencer le numérique. Ce support semblera, dans une génération, aussi archaïque que le transport à cheval, à une heure ou Internet permet en quelques secondes de transférer des fichiers et de démultiplier l’information. A cela s'ajoutent les effets conjoints de la crise économique et la prise de conscience écologique (coûts écologiques liés au papier, à l’encre, à la transformation du bois, aux transports des journaux, etc).
Conclusion général de notre TPE:
La probable disparition des journaux engendre le risque d'un double niveau de l'information : l'une riche pour les classes aisées et cultivés et une autre, «pauvre», pour les pauvres ou simplement la grande masse. D'un côté une information de qualité pour les gens prêts à la payer plus cher qu'aujourd'hui, de l'autre une information rapide et superficielle pour l'immense majorité des gens qui, du moins dans un premier temps, s'en satisferont. C'est donc l'essence même de la démocratie qui est mis en péril par la fin d'une presse "professionnelle". Si aujourd'hui Internet est un formidable vecteur d'information dans les pays sous régime dictatoriaux, il engendre également la chute de la presse papier dans nos grandes démocraties occidentales. Il faudra trouver un moyen à l' avenir de concilier les simples informations circulant sur internet et les véritables articles d'investigation et d'analyse propre à la presse professionnelle. Pour toutes ces raisons, selon nous, un engagement politique dans long terme pour la presse professionnelle est capital.
Plantu, La liberté de la presse, 2008